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LA BEAUTE DES GESTES

LA BEAUTÉ DES GESTES

Vous parler du blanc, me conduit à penser au travail des artisans. En effet, ils sont pléiades à travailler la matière avec excellence. Lorsqu’il n’y a pas de couleur, on ne peut s’abriter derrière rien : l’exigence est totale, absolue. En écrivant cela, je pense aux chanteurs lorsqu’ils doivent affronter seuls un public sans orchestre, sans sonorisation, juste avec la voix. 
On le constate en regardant les œuvres de porcelaines ou les plissés de Mme GRES. 
Je veux juste rappeler ici combien la transmission des savoir-faire ancestraux, l’apprentissage et la répétition des gestes sans fin jusqu’à obtenir la perfection, le respect des procédés font partie de la formation des artisans. Les musiciens font leurs gammes, les écrivaines remplissent des pages, les sportifs s’entraînent…
Mais cela ne suffit pas : un artisan d’art actuellement doit savoir se tourner vers l’avenir, chercher sans fin, expérimenter, tester de nouveaux matériaux, repousser les limites des outils, des matières, des gestes…. 
Le choix des matériaux, la recherche du fil parfaitement adapté à nos besoins, l’aiguille entretenue, choisie pour ses qualités et propriétés font partie des soins que je dois apporter à mes travaux. Me laisser surprendre par des réactions de la matière, ne pas vouloir tout de suite gérer le rendu, accepter un peu de l’aléatoire pour pouvoir avancer, hésiter, prendre le temps, c’est cela le quotidien de la création. 
                                 
Ce sont les années passées à la table de travail, laborieusement, silencieusement. Savoir-faire, précision du geste, tradition, expérience ne seront rien si on n’a pas la passion de son métier, de sa matière, de la gestuelle. Il s’agit d’une relation fusionnelle avec ces éléments. Ils nous envahissent, sont là au quotidien, ne nous quittent pas un instant. J’ai le sentiment d’être perpétuellement en traduction de sentiments, d’impression, d’envies. Dans mon regard, les points s’entremêlent pur traduire mes pensées. Pour cela, il faut se nourrir en permanence dans tous les domaines : ne regarder que notre matière est stérile. Ecouter, entendre, sentir, regarder : tout notre environnement doit vibrer et nous animer. C’est le sens de ce travail que je fais pour vous tous les jours. 
Mais, par-dessus tout, l’échange avec les autres est essentiel. Nous n’avons pas un savoir unique, la pensée universelle : la discussion autour des pièces, de projets, l’échange des idées, les suggestions sont là pour faire avancer le travail de l’artisan. Ce sont des relations équilibrées, de confiance profonde, de respect mutuel, une admiration réciproque et une totale compréhension qui permettent de nous rassurer et nous aident à faire cette route.  Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice de l’autre. Trop d’attitudes consommatrices sont stériles et malsaines. Seul l’échange peut nous grandir et nous obliger à avoir un vrai regard sur notre travail. L’autosatisfaction est malsaine mais le dénigrement systématique l’est tout autant. C’est pour cela que nous avons besoin des regards de ceux qui nous sont chers pour comprendre notre travail, le lire sans jugement biaisé. 
La frontière entre artisan et artiste est ténue. Chacun doit se renouveler sans fin. 
Tous les deux ont besoin de vous : allez les voir, rendez vous dans les expositions, les ateliers. Entrez dans le jeu des matières, apprenez, soyez curieux.  C’est aussi par cela que le monde de demain dont on parle tant en ces jours, peut gagner en humanité. 
Achetez des œuvres d’artistes : achetez moins mais mieux, faites vivre ceux qui autour de vous, dépendent de votre regard. Lorsque le prix d’une pièce vous parait cher, pensez aux heures d’apprentissage, pensez aux années pour arriver à parler ce langage avec autant de liberté et de talent.