Christian LACROIX – 2005 |
VERT
« Hardie, la brune qui porte le vert ! » disait mon père, mi-amusé, mi-admiratif à la vue d’une femme arborant ces deux qualités. Le vert commence donc par une exclamation. Un interdit ? Une tentation ? Un encouragement secret ?
Vert c’est toi que j’aime vert/ Vert du vent et vert des branches/ Le cheval dans la montagne/ Et la barque sur la mer/ L’ombre jusqu’à la ceinture/ Elle rêve à sa balustrade/ Vert visage cheveux verts/ Prunelles de froid métal/ Vert c’est toi que j’aime vert/ Et sous la lune gitane/ Tous les objets la regardent/ Elle qui ne peut les voir.
J’écoute, dans l’enfance, fascinée par sa voix, Germaine Montero dire ce poème de Lorca. J’en apprends les premiers vers et les récite souvent. J’entends le vert.
Je porte, à cette époque, un pull de laine vert émeraude, très lumineux, tricoté par ma grand-mère. Il irrite mon cou en y laissant des marques légères d’inflammation.
Dans mon premier appartement, le vert pomme des murs de la cuisine fait écho à Magritte. J’en suis fière. J’admets, avec le temps, qu’il me donne un teint blafard, maladif sous la lampe.
Je garde une photo où B. penche son sourire à la fenêtre de la vieille maison en écartant les volets. Leur vert mousse caresse la glycine.
Au temps du confinement, la respiration du vert se déploie : au jardin, c’est foisonnement d’herbes, de buissons, de feuillages ; le long de la rivière où nous marchons cachés, à l’aube, c’est un enveloppement d’arbres et un fracas d’oiseau.