ROUGE

Le Théâtre à l’Italienne

 Le Théâtre à l’Italienne

Salle Théatre de Paris
Nous sommes en novembre, ce n’est pas une nouvelle. Mais, depuis 10 ans, j’organisais des voyages avec l’association Fil O Maine à la découverte des savoir-faire, du patrimoine et de l’histoire. 
Cette année, nous devions partir en région parisienne. Fourmillement de sites à visiter ou revisiter, nous avions prévu une soirée du côté de l’opéra Garnier. Nous l’avions visité il y a quelques années, ainsi que les ateliers de confection de décors et costumes à l’opéra Bastille et je sais que tous les visiteurs en gardent un souvenir vivant et impressionnant.  
C’est en évoquant ce souvenir, que je voudrais vous présenter le Rideau Rouge. Ma formation de tapissière m’y rend peut être plus sensible que d’autres. Et je vous laisse imaginer la technicité pour réaliser de tels drapés avec de si grands volumes et une telle perfection. Le spectacle commence déjà : pas un faux pli !
                                       
Ce rideau symbolise toute la théâtralité du lieu de spectacle. Le lever du rideau est un moment particulier, tout est possible et le spectateur va faire corps avec ce qui va se dérouler sur la scène. En arrivant dans ce lieu, nous sommes dans une grande pièce très séparée par ce tissu lourd, en velours bien souvent avec une nomenclature très précise. Le spectacle commence au mouvement de ce tissu. Plus jeune, je me souviens du lever de rideau (gris puisque la télévision n’était pas en couleur dans les années 1960 !) précédé des trois coups. C’était le signal et ensuite, on entendait le mécanisme du lever de rideau.
Différents modèles sont possibles pour cette ouverture :

–    À l’allemande : le rideau est équipé sur une perche qui monte ou descend d’un seul tenant.

–  Brechtien : rideau coulissant, souvent actionné par les acteurs eux-mêmes pour permettre la distanciation.

–  De fer : rideau de sécurité permettant une isolation de la salle, en cas d’incendie. De nos jours, ce rideau est associé à un rideau d’eau activé par un système de détection déclenchant un déluge d’eau au niveau du cadre de scène destiné à le refroidir. Pas de rouge dans ce cas là !

– À la française : rideau associant les deux techniques à l’allemande et à l’italienne.

–  À la grecque : le rideau est équipé sur un rail pouvant s’ouvrir du centre vers les côtés.

–  À l’italienne : le rideau s’ouvre en deux parties, remontant vers les côtés en drapé.

– Polichinelle : le rideau descend ou monte en se roulant ou se déroulant sur lui-même.

– À la romaine : le rideau est plat, s’ouvre par le bas, remonte en formant une succession de plis en godets.

– À la vénitienne : le rideau est entièrement formé de plis cousus en godets qui s’emboîtent en remontant.


A l’opéra Garnier, c’est un rideau peint en trompe l’œil qui fait plus de 250 M2 qui est accroché derrière le lambrequin métallique. Rénové plusieurs fois, il reste le décor d’origine de ce théatre et la date 1699 évoque la création de l’Académie Royale de Musique et de Danse sous Louis XIV. Le rideau évoque le drapé d’un velours rouge, est peint sur une toile de lin. Remarquez la technique du trompe l’œil ! Le décor est fastueux, presque écrasant et place les acteurs sur un piédestal tandis que les spectateurs sont tenus à distance par ce décor. 

Les rideaux de scène n’on pas toujours été rouges.  
Sous l’Ancien régime, les tentures et fauteuils sont plutôt bleus, symbole du règne. De plus, on dit qu’ils vont mieux aux toilettes et aux carnations des femmes lorsqu’elles posent délicatement le bras sur les fauteuils. C’est un temps où on va au spectacle pour se faire voir. Il est important de mettre en valeur les spectateurs. Les couleurs pouvaient aussi être blanches ou vertes.  Les lumières restent allumées durant toute la représentation. 
Ce n’est qu’au XIXème que les teintures vont se rougir vers 1820 car c’est le début du romantisme. Une première tentative est faite lors de la rénovation du théatre Richelieu. Mas la Terreur est encore trop vive dans les esprits et on préfère rester plus conventionnel et garder les usages du bleu. 20 ans plus tard, on peut utiliser le rouge sans terrifier les spectateurs. Les décors de théatre deviennent importants en recherche d’une vérité historique. C’est une mise en valeur de la scène, le spectateur s’oublie peu à peu et les lumières seront éteintes lors des représentations vers la fin du siècle. 

L’aspect du rideau de scène est aussi proposé à la modernité. Celui de la salle Richelieu a été rénové par le peintre dont je vous ai déjà parlé : Olivier DEBRE.

Respect des couleurs mais ambiance plus contemporaine.  Il a aussi travaillé sur le rideau de l’opéra de Sha,gai mais je crois vous en avoir déjà parlé. Imaginez tout de même la technicité de ces rideaux : peints d’un seul tenant, il faut penser à la mobilité de la pièce, son installation, son poids…
Nous étions à Rennes à la veille du confinement. Nous n’avons pu visiter le petit Théatre mais ici, on joue aussi avec le role de rideau rouge. Regardez :