Jaune

Jaune et les Etats Unis

JAUNE et les Etats Unis

Parler du jaune me semblait facile et rapide. Mais finalement, c’est une couleur qui a tellement d’entrées possibles que j’ai encore envie de vous en parler. Bien entendu, je ne ferai pas travail d’historien ou scientifique, mais je me rends compte lors de mes insomnies, que tant d’images remontent avec cette couleur.
Catherine a parlé de la banane d’Andy Warhol dans l’article « En Avant la zizique – Jaune ». Je connaissais l’image et j’ai repensé à ce voyage aux Etats Unis pour voir notre fils et la découverte des taxis jaunes de New York. Plusieurs jours durant, on se serait cru dans un film de Woody Allen. Et oui, pendant ce temps là, Kate et William se mariaient ………et quelques jours plus tard, nous allions quitter les Etats Unis tandis que le même jour à une heure d’intervalle, Strass Kahn ne le pourrait pas …

La verticalité immobile
grise s’oppose aux taches jaunes de ce décor gigantesque.  

Mais, à New York, je retiens aussi les sphères du sculpteur italien Pomodoro devant l’ONU et l’atrium bling-bling de la Trump Tower où le marbre jaune s’étale dans une orgie de luxe. Regardez l’échelle avec les chaises tout en bas !

 

Et puis aux Etats Unis, on peut visiter des galeries, des musées, gratuites, énormes à la mesure des dimensions du pays. Et là, je me souviens de peintres et une autre image revient à mon esprit. Connaissez vous ce tableau de Kupka Etude sur la gamme Jaune :

Apres des décennies de désamour de cette couleur au XIXe, le jaune opère un retour dans la peinture. Les travaux de Chevreul sur la couleur suscite un intérêt, voire un engouement qui sera repris par les Nabis, les Fauves, les cubistes entre autres. Tandis qu’au XIXe, le jaune est la couleur de la prostitution et de la transgression, s’en servir devient un signe de modernité. Kupka fera deux tableaux : l’un des personnages a les yeux ouverts et celui-ci aveugle, comme un signe d’intériorité. Ici le personnage est un lecteur. Le vert et le bleu sur le visage, en petites touches donnent l’équilibre dans la composition picturale. L’ensemble pourrait nous faire penser à de la mélancolie bien que jaune, sorte de lecteur isolé dans ses pensées. 
C’est aussi ce tableau qui me ramène au poème de Charles Sainte Beuve, Les Rayons Jaunes :

Les dimanches d’été, le soir, vers les six heures,
Quand le peuple empressé déserte ses demeures
Et va s’ébattre aux champs,
Ma persienne fermée, assis à ma fenêtre,
Je regarde d’en haut passer et disparaître
Joyeux bourgeois, marchands,

Ouvriers en habits de fête, au coeur plein d’aise ;
Un livre est entr’ouvert près de moi, sur ma chaise :
Je lis ou fais semblant ;
Et les jaunes rayons que le couchant ramène,
Plus jaunes ce soir-là que pendant la semaine,
Teignent mon rideau blanc.

J’aime à les voir percer vitres et jalousie ;
Chaque oblique sillon trace à ma fantaisie
Un flot d’atomes d’or ;
Puis, m’arrivant dans l’âme à travers la prunelle,
Ils redorent aussi mille pensers en elle,
Mille atomes encor.

Ce sont des jours confus dont reparaît la trame,
Des souvenirs d’enfance, aussi doux à notre âme
Qu’un rêve d’avenir :
C’était à pareille heure (oh ! je me le rappelle)
Qu’après vêpres, enfants, au choeur de la chapelle,
On nous faisait venir.

La lampe brûlait jaune, et jaune aussi les cierges ;
Et la lueur glissant aux fronts voilés des vierges
Jaunissait leur blancheur ;
Et le prêtre vêtu de son étole blanche
Courbait un front jauni, comme un épi qui penche
Sous la faux du faucheur.

Oh ! qui dans une église à genoux sur la pierre,
N’a bien souvent, le soir, déposé sa prière,
Comme un grain pur de sel ?
Qui n’a du crucifix baisé le jaune ivoire ?
Qui n’a de l’Homme-Dieu lu la sublime histoire
Dans un jaune missel ?

Mais où la retrouver, quand elle s’est perdue,
Cette humble foi du coeur, qu’un ange a suspendue
En palme à nos berceaux ;
Qu’une mère a nourrie en nous d’un zèle immense ;
Dont chaque jour un prêtre arrosait la semence
Aux bords des saints ruisseaux ?

Peut-elle refleurir lorsqu’a soufflé l’orage,
Et qu’en nos coeurs l’orgueil debout, a dans sa rage
Mis le pied sur l’autel ?
On est bien faible alors, quand le malheur arrive
Et la mort… faut-il donc que l’idée en survive
Au voeu d’être immortel !

J’ai vu mourir, hélas ! ma bonne vieille tante,
L’an dernier ; sur son lit, sans voix et haletante,
Elle resta trois jours,
Et trépassa. J’étais près d’elle dans l’alcôve ;
J’étais près d’elle encor, quand sur sa tête chauve
Le linceul fit trois tours.

Le cercueil arriva, qu’on mesura de l’aune ;
J’étais là… puis, autour, des cierges brûlaient jaune,
Des prêtres priaient bas;
Mais en vain je voulais dire l’hymne dernière ;
Mon oeil était sans larme et ma voix sans prière,
Car je ne croyais pas.

Elle m’aimait pourtant… ; et ma mère aussi m’aime,
Et ma mère à son tour mourra ; bientôt moi-même
Dans le jaune linceul
Je l’ensevelirai ; je clouerai sous la lame
Ce corps flétri, mais cher, ce reste de mon âme ;
Alors je serai seul ;

Seul, sans mère, sans soeur, sans frère et sans épouse ;
Car qui voudrait m’aimer, et quelle main jalouse
S’unirait à ma main ?…
Mais déjà le soleil recule devant l’ombre,
Et les rayons qu’il lance à mon rideau plus sombre
S’éteignent en chemin…

Non, jamais à mon nom ma jeune fiancée
Ne rougira d’amour, rêvant dans sa pensée
Au jeune époux absent ;
Jamais deux enfants purs, deux anges de promesse
Ne tiendront suspendu sur moi, durant la messe,
Le poêle jaunissant.

Non, jamais, quand la mort m’étendra sur ma couche,
Mon front ne sentira le baiser d’une bouche,
Ni mon oeil obscurci
N’entreverra l’adieu d’une lèvre mi-close !
Jamais sur mon tombeau ne jaunira la rose,
Ni le jaune souci !

Ainsi va ma pensée, et la nuit est venue ;
Je descends, et bientôt dans la foule inconnue
J’ai noyé mon chagrin :
Plus d’un bras me coudoie ; on entre à la guinguette,
On sort du cabaret ; l’invalide en goguette
Chevrotte un gai refrain.

Ce ne sont que chansons, clameurs, rixes d’ivrogne,
Ou qu’amours en plein air, et baisers sans vergogne,
Et publiques faveurs ;
Je rentre : sur ma route on se presse, on se rue ;
Toute la nuit j’entends se traîner dans ma rue
Et hurler les buveurs.

Et que dire du travail d’Andy Warhol qui   dit :

« J’ai commencé dans l’art commercial et je veux terminer avec une entreprise d’art… être bon en affaire, c’est la forme d’art la plus fascinante… gagner de l’argent est un art, travailler est un art, et les affaires bien conduites sont le plus grand des arts ». 
Il pose là de nouvelles questions quand à l’art, la position de l’artiste. 
Il appartient à ce grand mouvement du Pop Art et vous connaissez certainement cette qravure de Marilyn.

Pour ces tableaux, Warhol utilise beaucoup la sérigraphie : en art textile aussi, cette technique nous permet des rendus personnalisés et techniquement abordables. 
Nous sommes allés à Philadelphie et sommes allés à son université : aucune trace de lui dans les murs mais à la place, il y avait une magnifique et énorme exposition de Sheila HICKS dont je vous ai déjà parlé.