Le BLEU

GENEVIÈVE ASSE inspire NICOLE

Texte de Nicole, en regardant un tableau de Geneviève ASSE exposé à Rennes : 

Je me souviens aussi de mon émotion devant cette ouverture d’une ligne blanche dans le bleu.
Lever de soleil ? passage d’un monde dans un autre ? Ce tableau s’est retrouvé dans un long texte
qui a pour titre « épissure », où chaque chapitre porte un nom se rapportant au textile ou à la
broderie : passé empiétant, passe filage, fil de chaîne, broderie au point d’être, fil de trame, lirette.
Une sorte de récit de résilience où se mêlent prose et poésie, 
écrit en 2013 sur les bords de l’aber Ildut (29).
Ça se passe en bordure de mer d’Iroise. 
Corentin est marin-goémonier, le personnage féminin est arrivé là,
traînant toute « sa vie dans deux valises à roulettes ». 
Avant dernier chapitre :
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Fils de trame :
Ici se mêlent les verts et vos bleus
Puis un jour le temps était venu sans doute de se déprendre. Corentin vous avait vu
sortir crayons et pinceaux et vous installer dans le petit bout de pelouse entre les agapanthes, les
hortensias fatigués par le vent et le portillon blanc. 
Devant vous la mer. 
Vous avez travaillé d’arrache-pied toute le matinée.
 Vous sentiez son regard pas loin dans votre dos. Il n’osait approcher.
Il n’osait s’aventurer sur ce chemin qu’il ne connaissait pas. Lui, dont tous les cailloux du chemin se
souvenaient, lui capable de nommer chaque crique, chaque rocher, il n’avait jamais vu personne s’en
emparer pour en faire cet autre chose. 
Une grève ça se traverse, ça se gratte, ça se pêche, ça se remplit à la
marée triomphante, mais ça ne s’était jamais peint, du moins pas chez lui ou dans ses entourages. 
Et peint en bleu de surcroît. Tout bleu. 
Un bleu de chalutier, un bleu de volets peints avec les fonds de peinture de bateau.
C’est bleu ! avait-il dit enfin.
 Et ,comme pour lui-même, un bleu qui vous tire vers le haut.
Vous lui aviez alors indiqué d’un doigt muet la ligne blanche, minuscule, qui ouvrait l’horizon.
Une ligne blanche
Apaisement dans ce bleu dur
Mais interstice insidieux où s’engouffre l’hier
Double poids des maux
Bleu et trace claire.
L’inébranlable avec du fragile au milieu
Trouver l’équilibre entre flux et reflux
Se nourrir de l’un pour éloigner l’autre
Digérer l’un pour que vive l’autre
Magnifique Nicole  ! Je vis la scène en te lisant…