Catégorie : Blanc

  • BLANC : Nicole et Whistler

    Miroir au nuage

    Symphonie en blanc – Whistler – 1862

    La dame en blanc, les bras collés au corps, hiératique, semble regarder en dehors du tableau(*)
    Je regarde la dame du tableau dans sa robe de candeur. Je regarde et une autre dame tout aussi blanche passe devant mes yeux.
    ***


    La dame était arrivée chargée de paquets, pressée. Le paravent dissimula sa nudité puis émergeant de l'ombre la dame apparut en combinaison. C'est alors qu' Elle entrait en action.
    Elle s'avançait la bouche remplie d'épingles, le verbe embarrassé, les bras offrant la longue robe blanche.
    Elle, c'était la maîtresse des lieux, les doigts de fée qui chiffonnaient la mousseline en roses de tissu et faisait danser les volants de satin aux bals de l'île. C'était Elle qui transformait par la magie de ses épingles le mannequin sans tête, en diva drapée de taffetas.
    La dame disparut complètement sous le vêtement offert et en émergea, retenant un petit cri, une épingle mal placée lui rappela la fragilité de l’œuvre ébauchée.
    Elle refermait avec soin l'ouverture béante, retirant une à une les épingles de sa bouche. Elle reprenait une pince, ajustait une emmanchure, déplaçait une couture, testait le tombé d'un drapé. Le décolleté mettait en valeur les épaules rondes de la dame et l'ajusté de la taille lui donnait un air fragile dans cette blancheur immaculée.
    La dame semblait contente de son image dans la glace. Elle se regardait et souriait à son reflet.

    Assise près de l'armoire à glace, l'enfant regardait aussi. Elle regardait cette longue traîne mousseuse qui la subjuguait. Elle regardait aussi le ballet des mains qui allongeaient rétrécissaient, obéissaient à une force mystérieuse qui aboutissait à cet état de grâce.
    L'enfant regardait médusée, ces mains qui créaient cette robe fabuleuse, cette parcelle de nuage.
    L'enfant entend encore les commentaires, les remarques taquines, les injonctions à rester en place sinon je pique ! Elle jouait au pied de l'armoire à glace avec quelques bouts de chiffons, "rognures" qui feraient une merveilleuse robe de poupée. Elle jouait et n'en perdait pas une miette.
    Impossible cependant de ne pas retenir un oh ! d'admiration quand, maintenant d'une main les cheveux en chignon, Elle plaçait délicatement sur la tête de la dame, le voile mousseux qui descendait jusqu'aux reins.

    La dame pressée était devenue une reine blanche.
    La dame pressée dans la glace semblait aux portes du ciel.
    La dame pressée dans son nuage blanc ne semblait plus pressée de retrouver son tailleur gris.
    Le rêve glissait dans ses yeux.
    Et l'enfant regardait le rêve dans ses yeux.

    ***


    Aujourd'hui quand ma folie créatrice s'empare d'un carré d'étoffe, j'entends une petite voix pleine d'épingles qui me dit :" fais attention, l'envers doit être aussi joli que l'endroit !" Le reflet de la dame de nuage passe dans mes yeux et l'aiguille file, file sur le tissu qui s'effiloche.
    Que me reste-t-il de mon aïeule couturière ? L'irrésistible plaisir de palper les tissus, de les draper à la romaine. Et aussi le souvenir piquant de câlins interrompus par l'aiguille toujours accrochée sur son sein.

    Nicole

  • BLANC en architecture

    Blanc, encore simple en apparence !

    Hier, je vous ai parlé d’un blanc simple en apparence bien entendu. On a envie de toucher les blancs de Simone Pheulpin, comme on a envie de toucher la nacre de ce bénitier dont je vous ai parlé.
    Cela me conduit à vous parler d’une expérience dans l’architecture de Niermeyer.

    Oscar Niermeyer (1904 – 2012) est un architecte brésilien, représentant de l’architecture moderne. Vous connaissez probablement ses plus grandes constructions : Brasilia, le siège du PCF à Paris, la médiathèque du Havre, le siège des Nations Unies à New York entre autres.

    Reconnu par ses pairs, Elisabeth de Portzamparc voit en lui un maître. Jean Nouvel envie son « indémodable simplicité de trait ».
    Il dit encore : « Niermeyer c’est d’abord le grand styliste des années 50-60, l’un des plus grands maîtres du XXe siècle. Il a réussi à exprimer ses idées avec une simplicité et une efficacité incroyable. Il griffe une courbe dans la ligne, la traduit dans l’espace, et à la grande échelle, ce geste simple donne le bâtiment le plus inattendu qui soit. Ses courbes, sa simplicité de ligne, son architecture de béton blanc jouent avec des éléments de base : le ciel, l’eau, la mer, le vide, l’horizon.« 

     Niteroi : au bord de l’eau
     
     Tout semble simple, pure. Les formes des marches, le béton et le jeu des couleurs entre blanc et gris, nous font entrer dans une nouvelle dimension. 
    Pénétrer dans ses architectures est aussi une expérience. L’Oeil à Curitiba est une architecture muséale située dans une ancienne usine. 

     L’Oeil à Curitiba
     

    Ci-dessous, c’est la rampe d’accès à l’Oeil. On a l’impression d’être dans une gigantesque coquille d’huître. Le matériau intime une attitude silencieuse, délicate. Pas de marche, tout est rondeur, rappelant en cela les principes d’architecture de Hundertwasser dont je vous parlerai plus loin. Grande expérience inoubliable. 
    Ce bâtiment est un musée, vaste avec des collections d’art contemporain.

    Cette impression de rondeur, des lignes en doucine demandent une grande maîtrise du travail du béton. C’est la raison du coût des bâtiments de cet architecte. De plus, le blanc demande un entretien permanent qu’il faut aussi budgétiser ! Sans ces courbes, cette architecture serait probablement froide, distante. 
    Dans le cadre des voyages en grands formats de Fil O Maine, nous avions visité la ville du Havre : visite formidable sous un ciel d’encre, une tempête sur la mer mais nous avons tous été enthousiasmés par la ville. Et le Volcan nous a charmés !

    Brasilia est la réalisation de Niermeyer : quel défi de construite une ville entière.

    Lorsqu’on entre dans cette église, on passe aussi par une rampe douce, sans marche. On descend vers le chœur et ce rite vous donne le temps d’entrer dans l’espace. La surprise est totale à l’intérieur avec ses verrières qui filtrent la lumière. Le blanc joue avec le bleu, le sol est brillant. On est enveloppé dans cette sorte de dôme léger et coloré.
    La ville est divisée en quartiers d’affaires aux routes immenses prévues à l’époque où la voiture est reine, symbole d’un nouveau monde. Traverser n’est pas simple. Et pour vivre, des quartiers sont construits et sont indépendants avec au centre de chacun, des commerces, des oratoires (nous sommes au Brésil !), des écoles, des arbres. 

    Il y a dans cette architecture, des jeux récurrents avec l’eau et la lumière. Le soir, le blanc se dore sur le palais de l’assemblée. Nous avions pénétré dans l’un des ministères : pas de porte dans ce bâtiment. Mais un espace entre les passages de l’eau et les étages filtrait les entrées. 

    Sous une apparence simple, tout est calculé, pensé, étudié.

    Merci Mr Niermeyer pour ces magnifiques matériaux : béton et nacre !


  • BLANC comme le Printemps

    BLANC comme le Printemps

    Je vous ai parlé dans l’article précédent du lien fait entre le jaune et ce blanc grâce à l’artiste Anne Eva Bergman, femme de Hartung.

    Mais je voulais aussi partager avec vous ces magnifiques photos du domaine de Chaumont sur Loire, prises par le photographe officiel Eric SANDER et que vous retrouverez grâce aux liens suivants:

    https://www.facebook.com/photo.php?

    Temps suspendu dans le blanc.
    Délicatesse et raffinement,
    Entre plumetis et organdi
    En route pour l’infini.
    Et en regardant ces photos, je mettrais une musique :
    Spiegel und sipegel d’Arvo Part
    Belle journée à vous,
  • BLANC

    BLANC

    Et oui il est temps d’ouvrir un autre chapitre de notre voyage au pays des Couleurs. Catherine, dans son texte délicat sur le Jaune vous a parlé du travail d’une artiste qui m’impressionne beaucoup mais que j’avais réservé pour la couleur BLANCHE : Anne Eva BERGMAN. Belle transition !
    Sur des toiles, elle mélange les feuilles de métal à la peinture, rendant ainsi son style inclassable. Les feuilles de métal peuvent être dorées ou argentées.  Son oeuvre s’inspire des couleurs de sa Norvège natale, son épure traduit son approche philosophique et la qualité de son travail prouve son exigence et sa maîtrise des matériaux.  

     

    Il s’agit des œuvres de la maturité, l’aboutissement d’années de recherches. A la fois artiste, elle est aussi artisan d’art dans sa manière de mêler les matières, son fini extraordinaire, incomparable.
    Le blanc ici, blanc de la matière, évoque la simplicité, la paix, une évidence naturelle. 
     

    Si on parle Blanc, je pense aussi à ces falaises de craie d’Etretat. Mais ne vous y trompez pas : cette seconde photo ci-dessus, n’est autre que les strates d’un bénitier, vous savez ces grands coquillages !  Celui-ci est installé à l’entrée de l’église de Fécamp. Magnifique travail de la nature qui nous conduit immédiatement à l’oeuvre de Simone Pheulpin que j’ai eu l’honneur d’exposer plusieurs fois sur Le Mans.
    Regardez ces vidéos : vous l’entendrez et verrez comment elle travaille.
    Cette artiste a inventé son style, sa technique. Personne avant elle, n’avait travaillé ainsi des bandes de tissus. Tout ce que vous verrez qui y ressemble, n’est souvent qu’une copie de ses recherches personnelles.

    https://www.youtube.com/watch?v=gG7YXFekRS8
    ET               https://www.youtube.com/watch?v=1EDWE9G1-v4


    Ce travail est silencieux et présent. 

    Ses textures sont denses, tactiles, présentes. Une rétrospective de son oeuvre a été présentée à la Chapelle Expiatoire à Paris en 2017.

    Elle était étonnée de voir tout ce public admiratif de son oeuvre. Elle n’en revenait pas des gens qui s’arrêtaient pour lui parler. Des centaines de personnes  attendaient pour entrer et elle me disait son étonnement… Ses sculptures sont aussi naturelles qu’elle. On se perd dans la matière, les circonvolutions des strates.

    Le lendemain, nous avions vu l’extraordinaire exposition sur Dior rue de Rivoli. Une salle était consacrée au Blanc. Il s’agit cette fois de prendre cette toile toute simple et d’en faire les patrons, les modèles pour la coupe. Ensuite, ils seront ajustés et utilisés pour les modèles en haute couture.  Pièce raffinée et pourtant …simple !

     
    C’était en décembre et la halle du Musée des Arts Décoratifs a servi d’écrin pour cette présentation des modèles Dior : extraordinaire, magique, féerique ! Plus un bruit dans cet espace malgré les centaines de personnes présentes…

    Ces ambiances blanches me font penser aussi au film culte « 2001, l’Odyssée de l’espace » et sa scène finale. Enfermé dans cette pièce pour l’éternité : le blanc est la couleur du froid, du vide, de la solitude tout autant que de l’éternel. Durant des siècles, nous naissions dans des draps blancs et étions vêtus de blanc à la naissance puis, nos linceuls étaient blancs : est là un rapport à l’éternité ?

    Nous verrons dans les jours qui viennent combien cette couleur est aussi variée dans ses concepts, ses sens et nous pouvons vraiment la regarder à travers beaucoup d’aspects différents. 
    Nous ne travaillerons pas sur l’idée que le blanc n’est pas une couleur puisqu’il s’agit alors d’une approche physique et moderne de la conception de la couleur. On peut retenir que lorsque je vous ai parlé de l’art pariétal en présentant le jaune, il y avait aussi des couleurs blanches posées sur ces parois terreuses. La question du blanc étant une couleur incolore viendrait, selon l’historien des couleurs Michel Pastoureau, de l’utilisation du papier, support à nos écritures, qui est lui-même blanc. Le support ne peut être une couleur donc, le blanc n’est plus une couleur.